vendredi 11 décembre 2015

Comprendre le freinage des trains classiques

(Article modifié le 14.09.2018)


A - GÉNÉRALITÉS SUR LE FREIN

Les équipements de frein ont plusieurs impératifs dont d'arrêter le train ou de ralentir la vitesse du train. Les équipements de frein sont différents selon leurs époques de construction, mais le principe de fonctionnement reste identique. Ils agissent généralement sur les roues à l'aide de sabots ou semelles qui viennent comprimer la table de roulement ou des freins à disque fixés sur l'essieu comprimés par des patins.
Dans les deux cas, l'objectif est de créer un effort de retenue sans bloquer la roue qui provoquerait un glissement de la roue sur le rail appelé "enrayage".

La mise en action de l'effort de retenue s'effectue de la cabine de conduite ou d'un point quelconque du train via des robinets comme celui du signal d'alarme.

Quels sont les éléments qui permettent un effort de retenue ?

Le frein continu automatique à air comprimé nécessite sur les engins moteurs et sur les véhicules, une conduite générale, un équipement de frein et en cabine de conduite, une commande du frein.
L'équipement de frein comprend des sabots ou patins, une timonerie de frein et un cylindre de frein ou d'un bloc de freinage qui regroupent les deux, d'un réservoir auxiliaire et d'un appareil de distribution (distributeur ou triple valve).
La commande du frein en cabine de conduite permet d'abaisser ou remonter la pression à 5 bars dans la conduite générale.

Comment est transmis l'ordre de serrage en cabine de conduite ?

Le conducteur donne l'ordre de serrage en commandant une dépression dans la conduite générale via un manipulateur de frein ou plus anciennement un robinet de frein.
La conduite générale se vide de la dépression commandée par le conducteur.
L'ordre de serrage est reçu par les distributeurs qui envoient de l'air aux cylindres de frein.
La timonerie transforme la commande du conducteur en effort de retenue.

Cela peut paraître simple, mais tous les trains ne roulent pas à la même vitesse, n'ont pas la même masse et n'ont pas la même longueur. De plus les conditions de freinage ne sont pas toujours identiques (adhérence). Toutes ces différences posent des problèmes.

1er problème, le freinage en fonction de la vitesse et le desserrage.


La distance entre les signaux reste la même, quelle que soit la vitesse du train.

Les trains de voyageurs ont une composition homogène, une masse par véhicule pratiquement identique et une masse remorquée totale peu importante. Toutes ces caractéristiques permettent de serrer les attelages entre les véhicules et cela évite des réactions longitudinales dans le train. La mise en action rapide du frein ne pose pas de problème. Un train de voyageurs obtient son serrage complet après environ 3 secondes donc si le train de voyageurs roule à 140 km/h, il aura parcouru 116 mètres environ avant d'obtenir le serrage complet.

Les trains de marchandises sont lourds, longs avec des véhicules variés et les attelages ne sont pas trop serrés pour faciliter le décollage du train. Toutes ces caractéristiques provoquent des réactions longitudinales si la mise en action du frein est trop rapide jusqu'à provoquer une rupture d'attelage.
L'application des sabots sur la roue doit être rapide, mais légère pour permettre une élévation lente et progressive de l'effort de retenue. Un train de marchandises obtient son serrage complet après environ 18 secondes donc si le train de marchandises roule à 100 km/h, il aura parcouru 500 mètres environ avant d'obtenir le serrage complet.
Le problème est le même pour ce qui concerne le desserrage. Afin d'éviter les réactions longitudinales, le desserrage doit être lent et progressif pour les trains de marchandises.

Le frein continu automatique fonctionne sous deux régimes, le régime "marchandise" pour les trains de marchandises ou "voyageur" pour les trains de voyageurs ou de messageries.

Un dispositif de changement "marchandise/voyageur" est installé sur chaque wagon de marchandises et locomotives afin d'adapter le freinage du wagon et la locomotive au régime du train. Ce dispositif est manœuvré manuellement par un agent de formation ou le conducteur pour la locomotive.

2e problème, la masse des véhicules.


Un véhicule pour voyageurs a une masse qui varie peu. Par exemple, une voiture qui a une masse à vide de 45t et une masse en charge de 50t a une variation de poids de 11%. La variation est faible.
Un véhicule pour marchandise qui a une masse à vide de 20t et une masse en pleine charge de 80t a une variation de poids de 300%. La variation est très importante. Il existe un dispositif appelé "vide/chargé" pour tenir compte de cette variation de masse et permet de faire varier la puissance du freinage en fonction de la charge du wagon.

3e problème. La longueur des trains.


L'air de la conduite générale s'échappe par un orifice unique situé en tête du train lors d'un freinage ce qui implique que le serrage s'effectue en décalage en partant du premier wagon/voiture jusqu'au dernier.

Le distributeur de queue placé sur le dernier véhicule d'un train qui à une longueur de 300 mètres réagira après 1 seconde et 2,5 secondes pour un train long de 750 mètres lors d'une commande de freinage en cabine de conduite.

Ce décalage de freinage provoque :

  • Une diminution des performances de freinage puisque le freinage maximum sur l'ensemble du train sera obtenu plus tardivement.
  • Une réaction longitudinale provoquée par le tassement des wagons/voitures les uns sur les autres puisque le véhicule de queue freine après le véhicule de tête.

4e problème, l’adhérence roue/rail.


Les trains n’échappent pas aux mauvaises conditions météorologiques qui provoquent patinages et enrayages. Dans ce cas, nous parlons de "rail gras" qui peut avoir pour conséquence de rallonger les distances d’arrêts.

Ils existent des dispositifs complémentaires de freinage sur les locomotives et sur les véhicules qui ont principalement comme but d'améliorer les performances de freinage comme les anti-enrayeurs, le frein électropneumatique, les patins magnétiques, etc.


B - LA CONDUITE GÉNÉRALE

La conduite générale est destinée à assurer la continuité entre les véhicules afin de disposer d'une réserve d'air sur chaque véhicule pour le freinage et permet la mise en action du frein sur l'ensemble du train. La conduite générale se compose d'une canalisation, d'accouplements et de robinets. La conduite générale est remplie d'air comprimé à une pression constante de 5 bars appelée pression de régime ce qui permet d'armer le système de freinage lorsque les réservoirs des équipements de frein sont remplis d'air comprimé.

Certains automoteurs sont équipés du frein continu à commande électrique ou conduite générale électrique. Ils peuvent comporter une conduite générale pneumatique appelée conduite blanche, qui permet en cas de problème d’assurer la continuité du freinage.


C - LA CONDUITE PRINCIPALE

La conduite principale et une conduite supplémentaire qui n'est pas présente sur tous les trains. Cette conduite est utilisée pour le frein électropneumatique, commande des portes, suspension pneumatique, etc.
La conduite principale se compose d'une canalisation, d'accouplements et de robinets le tout alimenté en air comprimé entre 8 et 9 bars.


D - LES ÉQUIPEMENTS DE FREIN

D1] Les appareils de distribution


Les appareils de distribution comprennent les distributeurs et les triples valves. Ils sont commandés par des variations de pression d'air dans la conduite générale.

Quelle est la différence entre une triple valve et un distributeur ?


- La triple valve a été développée en 1873 par George Westinghouse. Ce système est modérable au serrage et sensible au serrage*. Mais le gros défaut de la triple valve est que le système se met en desserrage complet des freins dès qu'il y a une faible augmentation de pression d'air dans la conduite générale.

Triple valve
- Le distributeur est apparu en 1926 et développé encore par Westinghouse. Ce système est modérable au serrage et desserrage, sensible au serrage et desserrage², insensible au serrage pour des fuites dites tolérables (< 0,3 bars/min.).
* "Sensible au serrage" signifie qu'une fuite hors tolérance (> 0,3 bars/min.) active le freinage.
² "Sensible au desserrage" signifie un desserrage complet des freins lorsque la pression CG remonte à moins de 0,2 bar de la pression initiale.

Les appareils de distribution permettent d'obtenir une baisse de pression appelée dépression dans la conduite générale et l'alimentation du cylindre de frein par l'air des réservoirs auxiliaires.
Les appareils de distribution permettent d'obtenir une remontée de la pression dans la conduite générale, la vidange du cylindre de frein à l’atmosphère et le remplissage des réservoirs auxiliaires.

Le distributeur est le système le plus largement utilisé de nos jours.
L’équipement de frein est réalisé sans distributeur sur un bogie moteur d'un TGV. L’équipement de frein sans distributeur est un assemblage d'électrovalves et de relais.

Le distributeur Charmilles
Les appareils de distribution peuvent être équipés d'un dispositif de changement de régime "marchandise/voyageur" appelé aussi V6/M24 afin de faire varier les temps de montée en pression aux cylindres de frein lors d'un serrage ou desserrage puisque ces deux types de train n'ont pas les mêmes caractéristiques comme expliqué dans "généralités sur le frein".

D2] Le dispositif de changement de régime "vide/chargé"


Les voitures "voyageurs" ne sont pas équipées de ce système puisque la masse à vide varie peu par rapport à la masse en charge. Il arrive tout de même de trouver des voitures équipées du dispositif auto-variable.

Par contre la masse des wagons varie énormément entre la masse à vide et la masse en charge. Dans ce cas, il est nécessaire d’accroître l'effort de freinage via la timonerie du wagon en utilisant le dispositif "vide/chargé".

Ils existent plusieurs dispositifs qui se nomme dispositif à deux positions ou dispositif à 3 positions ou dispositif automatique ou dispositif auto-variable et que l'on retrouve sur chaque wagon.

Le dispositif à deux positions

Le dispositif est manuel ce qui implique une manipulation par un agent. Le dispositif est constitué d'un levier à 2 positions. La première position correspond à la masse freinée à vide et la dernière position à la masse freinée maximale. Le choix de la position se fait en fonction de la masse du wagon et d'une valeur intermédiaire reprise sur le dispositif. Si la masse du wagon est inférieure a la valeur intermédiaire, le dispositif reste en première position. Si la masse du wagon est supérieure ou égale à la valeur intermédiaire, le dispositif est placé en deuxième position.


Le fonctionnement du dispositif à 3 positions et identique que ci-dessus, mais avec une position intermédiaire supplémentaire.

Le dispositif automatique

Le principe de fonctionnement est identique à celui du dispositif à 2 positions, mais la sélection "vide" ou "chargé" se fait automatiquement.

Le dispositif auto-variable

Ce dispositif permet d'avoir une masse freinée variable en fonction de la masse du wagon ou d'une voiture. La masse freinée est déterminée par un détecteur de pesée se trouvant sur un essieu ou bien sur un ressort de suspension d'un essieu de chaque bogie selon le type de wagon ou voiture.

D3] Le réservoir auxiliaire


Le réservoir auxiliaire est relié au dispositif de distribution et sa capacité d'air comprimé varie en fonction de l’équipement de frein. Cette réserve d'air est utilisée pour alimenter les cylindres de frein lors d'un freinage. Chaque véhicule ou bogie est équipé d'un réservoir auxiliaire.

D4] Le cylindre de frein


Le cylindre de frein est un servomoteur pneumatique simple qui provoque l'application des sabots ou semelles de frein. L’effort de freinage est proportionnel à la pression d'air emmagasinée dans le cylindre de frein.

Un ressort de rappel assure le desserrage du cylindre de frein lorsque l'air emmagasiné est envoyé à l'atmosphère.
Cylindre de frein

D5] Le bloc de freinage


Le bloc de freinage a été créé pour gagner de la place et du poids en supprimant la timonerie de frein composée de leviers et de bielles de timonerie.
Le bloc de freinage regroupe le cylindre de frein, un dispositif d’amplification d'effort, le régleur qui permet un rattrapage automatique de l'usure des semelles et une semelle. Le bloc de freinage est fixé au châssis de bogie et agit sur la table de roulement de la roue.

Bloc de freinage

D6] Le disque de frein


Le cylindre de frein alimenté par de l’air comprimé actionne les mâchoires de frein lors d'un freinage. Les garnitures de frein insérées dans les mâchoires de frein se plaquent contre le disque de frein afin d'effectuer un effort de retenue en rapport avec la force de compression des deux garnitures. Le disque de frein en acier peut être solidaire à la roue ou à l'essieu.

Disques de freinage

E - PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT DU DISTRIBUTEUR

Le dispositif principal permet de réaliser ou d'interrompre la liaison entre le réservoir auxiliaire (RA) et le cylindre de frein (CF) ou entre le cylindre de frein et l'atmosphère.

Le dispositif principal se compose entre autres d'une tige creuse solidaire de deux membranes élastiques de surfaces différentes et d'un ressort de rappel puis d'un clapet équipé d'un ressort de rappel.


Les pressions exercées au-dessus et au-dessous de la membrane S commandent le fonctionnement des organes du distributeur pouvant occuper les positions suivantes :
  • Position de remplissage et d'armement.
  • Position de serrage.
  • Position d'équilibre correspondant à un palier de serrage ou desserrage.

E1] Position de remplissage et d'armement


  • La tige creuse sollicitée par son ressort de rappel est en position basse.
  • La chambre A, la chambre B et le réservoir auxiliaire sont alimentés à 5 bars. Le clapet de retenue s'abaisse et interrompt la liaison entre la conduite générale et le réservoir auxiliaire.
Lorsque la pression de la conduite générale remonte à moins de 0,2 bar de sa pression initiale, le dispositif de verrouillage du réservoir de commande se déverrouille et le frein se desserre complètement via la tige creuse.

E2] Position de serrage


Lorsque la pression de la conduite générale baisse (dépression) :
  • Le dispositif de verrouillage du RC se verrouille permettant de conserver la pression de 5 bars dans le réservoir de commande (RC). Le réservoir de commande et la chambre B sont isolés de la conduite générale.
  • Les deux membranes élastiques se déforment vers le haut et soulèvent la tige creuse et le clapet.
  • Le cylindre de frein est mis en communication avec le réservoir auxiliaire, la pression monte au cylindre de frein.
  • Lorsque la pression exercée sur la membrane s est suffisante pour compenser la baisse de pression dans la chambre A, la tige creuse est en position d'équilibre et le clapet interrompt la liaison RA - CF.
  • L'alimentation du cylindre de frein est terminée, le palier de serrage est réalisé. Un équilibre des pressions est réalisé dans le distributeur.

E3] Position d'équilibre


  • Le clapet repose sur son siège et interrompt la liaison entre le réservoir auxiliaire et le cylindre de frein.
  • La tête de la tige creuse est en contact avec le clapet et cela empêche le cylindre de frein de se vidanger vers l'atmosphère.
  • Lorsque la pression exercée sur la membrane s est suffisante pour rétablir la pression, le distributeur revient en position d'équilibre.
Comment sont compensées les fuites dans le cylindre de frein ?
En position d'équilibre et si la pression diminue dans la chambre au-dessus de la membrane s à cause d'une fuite dans le cylindre de frein, l'équilibre est rompu dans le distributeur. La tige creuse se déplace vers le haut et soulève le clapet. Une liaison entre le réservoir auxiliaire et le cylindre de frein est recréée.



E4] Position desserrage


Le distributeur est en position d'équilibre en palier de serrage et la pression de conduite générale augmente pour effectuer un palier de desserrage. L'augmentation de la pression de la conduite générale détruit l'équilibre dans le distributeur.
  • Le réservoir de commande reste verrouillé.
  • La tige creuse se déplace vers le bas est créée une liaison entre le cylindre de frein et l'atmosphère. L'effort de freinage diminue.
  • La pression diminue dans le cylindre de frein et dans la chambre au-dessus de la membrane s.
  • Lorsque la pression sur la membrane s et S s'équilibre en fonction de la pression dans la conduite générale, un nouvel équilibre des pressions est réalisé dans le distributeur.
  • La mise à l'atmosphère du cylindre de frein est terminée, un palier de desserrage est réalisé.
Le distributeur revient en position d'armement lorsque la pression de régime est rétablie dans la conduite générale. La liaison entre le réservoir de commande et la conduite générale est rétablie ainsi que  la réalimentation du réservoir auxiliaire. Il n'y a plus d'effort de freinage.


F - CONCLUSION

Comme vous avez pu le lire, le système de freinage d'un train est assez complexe et parfois responsable de problèmes techniques puisque de nombreuses pièces sont en mouvements.

Les fortes températures extérieures dilatent l'air contenu dans les réservoirs de commande et peuvent créer des surcharges. Une fonction "surcharge" permet au conducteur d'amener la pression de la conduite générale à 5,4 bars afin de "recalibrer" les pressions. Une surcharge correspond à une pression aux cylindres de frein alors que la conduite générale est à la pression de régime et en position d'armement.

Les systèmes de frein sont montés en sécurité de tel manière qu'un problème de frein amènera le train à l'arrêt. Les trains catastrophes des films hollywoodiens ne sont que des pures inventions !

Certains matériels sont équipés d'une conduite générale électrique. Dans ce cas, la conduite générale pneumatique est utilisée lors de problèmes techniques sur le système électrique.