PRÉAMBULE
Le 27 septembre 1825, la ligne de Stockton à Darlington (Angleterre) était ouverte au service. C'était la première des lignes de chemin de fer dans le monde. En 1827, la première ligne ferroviaire française de Saint-Etienne à Andrézieux (France) était mise en service. La traction y était assurée par des locomotives à vapeur pesant à peine quatre tonnes.
Début 1871, les mécaniciens et chauffeurs des chemins de fer étaient au nombre de dix mille environ. Le mécanicien des chemins de fer était le plus populaire des cheminots à cette époque.
Pendant les soixante premières années de l'existence des chemins de fer français, il n'existait aucune réglementation sur l'utilisation des locomotives, chauffeurs et conducteurs. Les dirigeants des réseaux étaient les seuls à décider de l'utilisation de son matériel et de son personnel. Dès 1890, les premières réglementations officielles définissaient aux compagnies ferroviaires des limites réglementaires.
En 1900, les statistiques d'une compagnie étaient les suivantes sur 1468 cheminots :
Le nombre de jours maladie était de 51 025, soit 10 jours en moyenne par agent. Cette moyenne cachait des disparités en fonction du service. Il était de 5,5 jours pour les employés sédentaires, de 6 jours pour les agents de la voie, de 9,8 jours pour les agents des gares et les ouvriers des ateliers et dépôts et de 21 jours pour les mécaniciens.
La loi stipulait en 1910 que sur les chemins de fer, la conduite de chaque locomotive est confiée à un mécanicien assisté d'un chauffeur. Cette équipe se trouve livrée à elle-même, libre de toute surveillance immédiate. Le mécanicien, pour faire face à tous incidents et prendre à l'occasion toutes initiatives utiles, a besoin de connaissances techniques ayant ce double caractère d'être assez étendues et de pouvoir être définies par un programme uniforme. Le chauffeur, en cas d'accident au mécanicien, doit être apte à le remplacer pour les opérations essentielles comme arrêter la locomotive, de l'alimenter et de manoeuvrer les freins. Enfin, il s'agit d'un service public sur lequel le pouvoir concédant a des devoirs et des droits de contrôle particulièrement stricts et dont la bonne exécution intéresse le public de la manière la plus immédiate.
Progressivement, la réglementation s'est affinée pour arriver à la loi du 9 novembre 1919. La loi faisait irruption dans le journal officiel :
1 - Le personnel des machines doit bénéficier d'un repos de 38 heures au minimum, dit repos périodique, par six jours de travail en moyenne,
2 - la durée quotidienne du travail doit être, au plus, égale à 8 heures en moyenne,
3 - lorsqu'il s'agit de travail comportant des coupures, l'amplitude de la période sur laquelle s'étendent les durées successives de travail, ne doit pas dépasser 10 heures,
4 - les repos séparant les périodes journalières de travail doivent avoir une durée au moins égale à 14 heures, s'ils sont pris à domicile et 9 heures, s'ils sont pris hors de la résidence.
L'emploi proprement dit de chauffeur de chaudière, considéré indépendamment des autres fonctions qui peuvent éventuellement y être jointes suivant la diversité des applications (fonctions de mécanicien, de nettoyeur, etc.), mais qui n'en font pas nécessairement partie, se réduit à des opérations assez simples, mais importantes. Vérifier, avant tout l'allumage du feu, que la chaudière est garnie d'eau en quantité suffisante, entretenir le niveau de l'eau à la hauteur, convenable pendant tout le cours du fonctionnement (à cet effet, vérifier fréquemment les appareils indicateurs et se tenir en garde contre les causes qui pourraient en fausser les indications), gouverner le feu de manière que la pression maximum ne soit jamais dépassée et cesser tout chauffage dans le cas accidentel où le niveau de l'eau s'abaisserait au-dessous du minimum.
100 ans plus tard, les locomotives avaient un poids de 200 tonnes avec le tender et la puissance atteignait 2500 chevaux. Aux trains d'une cinquantaine de tonnes que les premières locomotives pouvaient tracter à 25 km/h, 100 ans plus tard, les locomotives tractaient des trains de 600 tonnes à environ 90 km/h de moyenne. Toute cette évolution ferroviaire a eu lieu grâce aux ingénieurs ferroviaires et aux cheminots.
LES MÉCANICIENS
Les mécaniciens se recrutent parmi les ouvriers des ateliers de dépôts. On a organisé des ateliers d'apprentis une fois l'ouvrier nommé chauffeur. Puis dans tout le cours de sa carrière sur les machines, comme élève-mécanicien et mécanicien, on le formait à ses fonctions successives par des conférences, des examens et surtout par l'instruction directe, sur la locomotive elle-même, sous la direction des chefs-mécaniciens.
Le mécanicien des chemins de fer est le plus populaire des cheminots pendant toutes ces années d'expansion du ferroviaire français, mais ses tâches étaient finalement peu connues. On s'efforçait en France d'affecter à chaque locomotive un mécanicien qui en devenait alors le titulaire et qui était le seul à la conduire sauf en cas d'impossibilité. L'avantage de cette gestion était le bon entretien des locomotives, mais son désavantage était que l'utilisation de la locomotive était moins optimisée par rapport à d'autres compagnies étrangères qui n'appliquaient pas cette gestion.
Le mécanicien travaillait en roulement, c'est-à-dire que l'on constituait dans chaque dépôt une locomotive en confiant la remorque d'un ensemble de trains dont le type de train correspondait aux aptitudes de la locomotive et de son mécanicien. Un mécanicien au dépôt de Laroche en 1925 effectuait en moyenne 7h45 de travail effectif par journée de travail, 200 kilomètres par jour et conduisait 42 trains par mois.
Le mécanicien connaissait chaque jour le train qu'il devait conduire en consultant son roulement de travail à son dépôt. Pendant le repos du mécanicien, le personnel du dépôt allumait la chaudière ou entretenait le feu qu'ils n'éteignaient guère que pour les lavages intérieurs de la chaudière (en général, tous les huit ou quinze jours). Le mécanicien passait l'inspection de sa locomotive et du tender, graissait et huilait les organes, tandis que le chauffeur s'occupait de faire fait monter la pression.
Les mécaniciens étaient chargés de la conduite du train. Avant de débuter, la conduite d'un train, la machine devait sortir de son dépôt pour se mettre en tête du train qui est toujours appelé de nos jours manoeuvre ou évolution. Ils étaient les "patrons" de leur locomotive. Ils devaient assurer, en ce qui les concerne, la marche régulière des trains ce qui impliquait beaucoup d'anticipations et de connaissances des lignes parcourues puisque la production de vapeur par la chaudière n'était pas instantanée. L'observation des signaux était la première partie de sa tâche, l'observation de l'horaire était la seconde et la troisième était la recherche de l'économie dans le fonctionnement de la machine.
Le mécanicien calculait sa vitesse avec une montre bien réglée avant l'arrivée des indicateurs de vitesse.
Bande graphique d'un indicateur et enregistreur flaman |
La conduite des trains à vapeur demandait des qualités psychologiques, sensorielles, psychomotrices et intellectuelles. Le mécanicien devait avoir fait un stage minimum de six mois comme chauffeur. Il devait connaître les règlements des signaux, des mécaniciens, de la circulation des trains, ainsi que les instructions qui s'y rapportaient, le montage et le démontage des principales pièces, le fonctionnement de tous les organes et les moyens de remédier aux avaries de route. Les essais pratiques comportaient la conduite de plusieurs trains. Le mécanicien travaillait très souvent dans des conditions physiques difficiles (température élevée près du foyer. courants d'air chaud ou froid, position debout et trépidations).
Le mécanicien et le chauffeur |
Les fusions de plomb ou bouchons fusibles par manque d'eau étaient très rares, mais c'était des fautes professionnelles considérées comme très graves et les mécaniciens mettaient tout en œuvre pour les éviter. Au-dessus du foyer, le ciel était muni de plusieurs plombs constitués par un écrou en bronze, percé d'un trou central dans lequel était coulé du plomb. Ce système de sécurité permettait de pallier un manque ou un défaut d'alimentation de la chaudière. Les tôles n'étaient plus recouvertes par l'eau et elles étaient directement chauffées par le foyer ce qui pouvait engendrer de graves explosions. Avant l'explosion, la température de l'écrou fusible augmentait rapidement, entraînant la fusion du plomb et occasionnant une fuite importante de vapeur dans le foyer. Un bruit caractéristique avertissait le mécanicien avant que le ciel du foyer eût eu le temps de rougir et de se déformer ou même de se déchirer sous l'action de la pression intérieure. Le chauffeur devait aussitôt arrêter l'activité du feu en le couvrant de menus mouillés ou en procédant au basculage du charbon en ignition dans le foyer.
Le salaire du mécanicien se composait de trois parties principales. Un salaire fixe, des primes de traction et des suppléments divers (économie d'eau, de charbon, régularité, etc.).
Les primes de traction qui étaient calculées chaque mois avaient pour but d'accorder aux agents des machines, une rémunération supplémentaire qui tenait compte des parcours effectués, ce qui donnait lieu à une prime kilométrique.
La prime de combustible jouait un rôle considérable. Les chemins de fer consommaient annuellement dix millions de tonnes de charbon en 1925. Il avait été prouvé qu'un mécanicien habile économisait environ 10% de charbon par rapport à un mécanicien moins habile ce qui représentait une économie d'environ un million de tonnes de charbon par an. Les compagnies comparaient les consommations réelles de combustible faites dans le mois par chaque mécanicien avec celle d'une conduite judicieuse de la locomotive. L'écart de consommation de combustible était appelé l'allocation. Le mécanicien obtenait donc soit une prime ou une pénalité. En 1925, un mécanicien de route obtenait une prime moyenne de 200 francs par mois, mais les primes de 500 francs n'étaient pas exceptionnelles. Certains mécaniciens très habiles obtenaient des primes encore plus importantes. Les chauffeurs obtenaient une prime de combustible égale aux deux tiers de celle de leurs mécaniciens.
Une prime était également prévue pour l'économie sur la quantité de graissage allouée, mais cette prime restait anecdotique par rapport à celle du combustible.
La prime de régularité de marche s'établissait généralement en comptant les minutes gagnées ou perdues pendant le parcours.
Il avait été évalué grosso modo à 14000 francs le salaire moyen total d'un mécanicien de route en 1924 d'après les statistiques d'une compagnie. Le salaire moyen total en 1900 était de 3595 francs.
Définition du terme mécanicien dans une encyclopédie de 1873 :
Un mécanicien est un ouvrier, mais par les connaissances qu'exigent ses fonctions, par la responsabilité qui lui incombe, il est placé sur la limite des professions libérales et des professions manuelles. Aussi sa paye est généralement élevée, mais il faut bien dire qu'elle n'est encore qu'une faible rémunération des services qu'il rend, des souffrances qu'il endure, des dangers qu'il court.
Le sort des mécaniciens de chemins de fer est particulièrement rude. Exposés sans abri, ou à peu près, à la chaleur suffocante du foyer et en même temps aux intempéries des saisons, au vent, à la pluie, à la neige, à la tempête; sans cesse attentifs, au milieu de la nuit, à surveiller, en même temps que leur machine, la voie devant et derrière, sentant qu'ils entraînent, après eux. Des centaines de vies qui sont comme suspendues à leur poignet, préoccupés d'un signal lointain, d'un bruit suspect, d'un frottement insolite, astreints à régler mathématiquement leur marche, payant d'une amende toute avance ou tout retard, ils savent de plus qu'ils seront les premières et les plus sûres victimes de tout accident cause par leur négligence ou par des causes qu'ils n'ont pu prévoir ni prévenir. S'ils échappent comme par miracle à la catastrophe, la justice criminelle les attend pour leur demander compte des homicides qu'ils peuvent avoir commis par imprudence.
Enfin, pour achever cette peinture déjà si sombre, ajoutons que tout mécanicien qui compte un certain nombre d'années de service est infailliblement atteint de certaines affections propres à son état et que les spécialistes attribuent, les uns aux trépidations de la machine, les autres à l'action du courant d'air. De quel prix pourrait-on payer tant de risques et de souffrances ?
Traités par certaines compagnies avec une légèreté impardonnable, congédiés pour un léger motif ou sans sujet, les mécaniciens s'étaient crus en droit, dans ces derniers temps, de réclamer en cas de renvoi une indemnité. Les mécaniciens ont été condamnés, et les sentences des tribunaux leur ont rappelé qu'ils ne sont que des ouvriers, soumis comme tels au bon plaisir de ceux qui les emploient. Mais le procès jugé par la justice ne pourrait-il être repris par l'humanité ?... Malheureusement, les sentences de celle-ci ne sont nullement obligatoires. Aussi les mécaniciens, hommes actifs et intelligents, profitant de la sympathie que leur ont value leurs procès perdus devant la justice, mais gagnés devant l'opinion, en ont appelé par une pétition à l'Assemblée souveraine, et déjà (1873) l'on parle d'un projet de loi qui règlerait les rapports des compagnies et de leurs mécaniciens. Le succès de cette démarche est encore douteux, mais les mécaniciens se sont avisés d'un autre moyen plus certain, ils ont fondé l'Union commerciale et industrielle des mécaniciens et chauffeurs, qui a réuni dès son début un capital de 70 000 francs. Grâce à cette fondation, grâce aux ateliers que les associés comptent établir et qui leur permettront de ne plus redouter les chômages, ils acquerront enfin cette indépendance, malheureusement si rare, et qui peut seule affranchir le travail de la tyrannie du capital.
LES CHAUFFEURS
Les chauffeurs, sous la surveillance des mécaniciens, étaient spécialement chargés du nettoyage de la machine, la conduite du feu par pelletage et avec son crochet qui était le prolongement de son bras, chargement du tender en eau et combustible. Ils aidaient les mécaniciens dans tous leurs travaux, obéissaient à leurs ordres et en général étaient de corvée de mise en chauffe la nuit ou la matinée. La montée en vapeur pouvait varier de une à trois heures selon les locomotives, le temps et la saison. Le chauffeur devait avoir des notions élémentaires sur le règlement des signaux, sur les principaux organes de la machine et du tender et notamment sur les appareils de sûreté. On lui demandait de savoir alimenter les freins, de manœuvrer les freins et de stopper la locomotive.
Un chauffeur en plein travail |
Pendant la marche du train, le principe de base était de s'occuper de la chaudière. Il mettait du charbon dans le foyer, à partir de ce moment la pression augmentait, la vapeur augmentait, mais le niveau d'eau baissait. Le chauffeur devait injecter de l'eau dans les chaudières. II surveillait également les divers organes de graissage, de réchauffage et par-dessus tout le manomètre de la chaudière afin que la pression dans la chaudière ne tombât pas trop bas.
Avant l'avènement du chargement mécanique du combustible dans le foyer, un chauffeur expérimenté et de force musculaire normale pouvait charger 2,5 kg de charbon par seconde, le tout envoyé à coup de pelle du tender vers le foyer de la locomotive. Pour une grille de 4 m², à l'allure de combustion de 500 kg/m²/h, soit une consommation de 2000 kg par heure de combustible, le chauffeur chargeait pendant 13 à 14 minutes par heure (2000 kg/2,5 s.= 800 secondes par heure). On était sensiblement à la limite (2 5OO kg) de l'effort que l'on pouvait demander à un seul chauffeur en régime continu de 3 à 4 heures. Si l'effort durait moins longtemps, il pouvait charger au maximum 4000 kg de combustible pendant une heure et momentanément 5000 kg. L'effort musculaire était colossal.
En plus de la limite physique, une limite technique apparaissait puisque la porte du foyer était ouverte pour le chargement du combustible et la quantité d'air en excès qui passait par-dessus le charbon était telle que la combustion ne s'effectuait plus dans de bonnes conditions.
Le chauffeur procédait à la manutention du charbon devant des chaleurs excessives et dans une position inconfortable (courbé et en équilibre). C'était un effort considérable qui imposait un contrôle médical sévère. Peu de personnes connaissaient le travail de labeur qu'effectuait le chauffeur de train.
Un chauffeur n'était pas seulement un homme musclé "enfourneur de charbon", mais un bon observateur, dépanneur, technicien du feu et des foyers. Un concours de chauffage avait eu lieu vers la fin du 19e siècle et un écart de rendement de 18,65 % avait été remarqué entre le premier et le dernier participant. Son rôle était primordial en ce qui concernait l'économie de combustible et de la sécurité de la chaudière.
1945 - Les pilotes du rail (source : SNCF Médiathèque)
Les outils de chauffe à la conduite du feu étaient en 1948 :
- La pelle, qui devait être rectangulaire, longue et droite. Avec cette forme, le charbon était mieux dirigé et quittait plus facilement la pelle.
- La griffe, appelée aussi grappin à deux ou trois dents de 10 à 12 cm de longueur, servait à aérer et à égaliser les feux.
- La lance, le ringard ou pique-feu, cet outil devait être bien droit et sa lame en bon état. Il permettait de décoller les mâchefers.
- Le crochet plat et le rouable ou la raclette, permettaient de déplacer le charbon incandescent sur la grille.
Définition du terme chauffeur dans une encyclopédie de 1867 :
Les chauffeurs sont recrutés parmi les ouvriers monteurs et ajusteurs les plus soigneux, ou qui montrent le plus de capacité, et qui ont travaillé pendant au moins un an dans les ateliers ou les dépôts. Ils sont chargés, sous la surveillance des mécaniciens, du nettoyage de la machine, de la manœuvre du frein et de l'alimentation du foyer, ils suppléent les mécaniciens en cas d'empêchement, ou lorsqu'ils ont été reconnus posséder les connaissances nécessaires pour alimenter le feu et la chaudière, régler la pression, manœuvrer le régulateur et le levier de marche.
Sur la plupart des lignes, les chauffeurs sont divisés en trois classes et passent plus tard mécaniciens. Pendant le trajet, le chauffeur doit se tenir debout auprès de la manivelle de frein ou à côté du régulateur, si le mécanicien est empêché.
En cas de détresse, il doit se porter en arrière sans la moindre hésitation et au pas de course, afin de faire des signaux d'arrêt au moyen de drapeaux pendant le jour, et de lanternes pendant la nuit. Il ne doit remonter sur la machine que s'iI a pu assurer le service des signaux de détresse.
On peut voir par ce qui précède que le chauffeur d'une locomotive doit posséder, outre certaines connaissances spéciales, une santé à toute épreuve, une excellente vue et tout le calme nécessaire en
cas d'accident.
Malgré cela, le chauffeur, dont les appointements sont modiques, dont l'existence est constamment menacée, se trouve exposé, en cas de malheur, s'il réchappe d'un déraillement ou des autres accidents analogues, à toutes les poursuites judiciaires qu'entraîne l'homicide par imprudence.
En France, on s'efforce d'affecter à chaque locomotive un mécanicien qui en devient alors le titulaire et qui, à moins impossibilité, est le seul à la conduire. Pareil système, qui présente de multiples avantages pour le bon entretien de la locomotive n'est pas pratiqué partout à l'étranger. On lui reproche de tirer un mauvais parti de cet engin coûteux qu'est la locomotive puisqu'on doit laisser dormir le capital qu'elle représente pendant tout le temps que le mécanicien ne travaille pas. Les expériences multiples tentées, en France, pour acclimater le système opposé, celui de la banalité, ont confirmé que d'une manière générale il n'était pas recommandable et qu'on devait n'y recourir que dans les cas spéciaux, que nous laisserons de côté, ou dans les périodes de fort trafic où le matériel locomoteur fait défaut.
CONCLUSION
Mécaniciens et chauffeurs en France avaient pour leur locomotive un véritable culte. Ils la flattaient, ils la nettoyaient et la faisaient briller avec amour. Grâce à ces soins probablement dus aussi à la présence de surveillants français dans les dépôts, le matériel possédait une résistance et une durée extraordinaire.
Mécaniciens et chauffeurs avaient un métier rude avec la poitrine et le ventre au feu, mais le dos et les reins au froid par le tourbillonnement de l'air avec cette cabine de conduite ouverte sur le tender. Bronchites et autres maux étaient monnaie courante. Chaque journée de travail était longue, dure et physique.
En 1942, la visite médicale complète avait lieu tous les 5 ans au-dessous de 40 ans, tous les 3 ans ensuite pour les mécaniciens. Pour les chauffeurs, c'était tous les 7 ans. Si un mécanicien ne répondait plus aux conditions physiques requises (état général, vue, ouïe), il était impitoyablement retiré du service de ligne.
Idem pour l'entretien annuel réglementaire qui portait sur le métier du mécanicien, sa dextérité, mais aussi sur ses connaissances théoriques. Un mécanicien de trains rapides avait en moyenne entre Saint-Rambert-d'Albon et Chalon-sur-Saône un signal et demi par minute à observer, soit 299 signaux en 182 kilomètres. Les chef-mécaniciens étaient intraitables et exigeaient l'excellence.
Locomotive à vapeur (source : Pexels / Alexander) |