samedi 28 janvier 2017

À quoi sert le frein électrique rhéostatique / récupération d'un train ?

(Article modifié le 14.09.2018)

1] Généralités


Il a été créé des dispositifs complémentaires de freinage pour améliorer les performances de freinage des engins moteurs en limitant les contraintes mécaniques sur les roues motrices.
De nombreux engins moteurs électriques ou thermiques et équipés de moteurs électriques sont équipés du freinage électrique rhéostatique appelé FRH et certains engins moteurs électriques sont équipés du freinage par récupération en plus du FRH.

L'objectif du dispositif est de créer un effort de retenue sans frottement mécanique sur les roues grâce aux moteurs électriques de traction et en utilisant l'adhérence des roues motrices sur le rail.

Le freinage par récupération a été appliqué pour la première fois en 1915 sur les locomotives à 3000 Volts des chemins de fer Chicago, Milwaukee and St Paul. Il avait été estimé qu'un train de 700 tonnes descendant à 50 km/h une pente de 15‰ renvoyait à la ligne environ 1000 kW.


Le freinage par récupération présente les mêmes avantages que le freinage rhéostatique comme :

  • La réduction de l'usure et de l'entretien des semelles de frein, de la timonerie des freins, des tables de roulement et de la voie.
  • Une plus grande sécurité dans les fortes pentes par l'élimination de l'échauffement des semelles de freins.
  • Un plus grand confort pour les voyageurs et une diminution des réactions des attelages.
  • Limite l'épuisement du frein.
Ce dispositif est utilisé :

  • Soit en freinage de maintien commandé par le conducteur indépendamment de la commande du frein continu automatique afin de maintenir une vitesse comme par exemple dans une pente à forte déclivité.
  • Soit en freinage combiné commandé automatiquement lors d’une dépression dans la conduite générale pour un freinage normal.
  • Soit pour un freinage d'urgence combiné au frein continu automatique. Les engins moteurs équipés du frein rhéostatique d'urgence abrégé FRH Urg nécessitent des batteries de freinage pour assurer l’excitation des inducteurs lorsque le disjoncteur est ouvert.
1e anecdote : Lorsque j'étais moniteur, j'ai demandé au conducteur en formation d'utiliser le frein rhéostatique pour maintenir la vitesse. Mauvaise idée, il commença à inverser le sens de marche afin de ralentir le train !
Tout cela pour vous expliquer que l'on n'utilise pas la marche arrière pour ralentir un train.

2e Anecdote : Lors d'un freinage d'urgence sur les Z7300 certains conducteurs préféraient effectuer un serrage maximal plutôt que d'enfoncer le bouton-poussoir d'urgence même si ce n'était pas réglementaire. En effet, lors d'un serrage d'urgence la combinaison du freinage rhéostatique et du freinage pneumatique améliorait la distance de freinage alors qu'avec le bouton-poussoir d'urgence enfoncé, le freinage pneumatique était seul en action.

2] Principe simplifié du fonctionnement d'un moteur en génératrice


Lorsque l'on déplace un conducteur dans un champ magnétique créé par un aimant ou un électro-aimant, il apparaît une différence de potentiel qui peut être lue avec un voltmètre entre les extrémités du conducteur. C'est le principe de l'induction électromagnétique. L'aimant ou électro-aimant est l'inducteur et le conducteur est induit. Le courant et la force électromotrice sont induits également. 


La tension induite dépend de la longueur du conducteur, de la vitesse de déplacement du conducteur et de l'importance du champ magnétique de l'aimant ou électro-aimant. Plus la vitesse de déplacement du conducteur est grande, plus la tension induite sera élevée. Le sens de la tension induite dépend du sens de déplacement du conducteur ou dépend du sens du champ magnétique de l'aimant ou électro-aimant.

À chaque manœuvre le voltmètre dévie, il est donc soumis à une différence de potentiel et il est traversé par un courant en provenance du conducteur. La différence de potentiel ainsi créée se nomme force électromotrice induite qui est à l'origine de ce courant. Cependant, il faut comprendre que sans tension induite ou plutôt force électromotrice, il n'y a pas de déplacement d'électrons, donc pas de courant. Le courant est appelé courant induit.



Ensuite, lorsqu'un conducteur relié à un circuit fermé résistant coupe les lignes de champs de l'aimant ou l'électro-aimant, la tension induite aux bornes du conducteur fera circuler un courant induit. Le passage de ce courant dans les lignes de champ de l'aimant ou électro-aimant donne naissance à une force électromagnétique. Le sens de cette force s'oppose au déplacement du conducteur.

Ramené à un moteur, la partie fixe appelée stator ou inducteur composée d'électro-aimants créés le champ magnétique. La partie mobile appelée rotor ou induit composée de bobinages ou aimant créée la tension induite.

Voici une vidéo qui explique simplement le principe de fonctionnement d'un moteur électrique en traction. Vidéo

3] Principe simplifié du fonctionnement du freinage rhéostatique


Les moteurs de traction ont une rotation lors du déplacement du train. On utilise cette rotation des moteurs pour les utiliser en génératrice et débiter l'énergie produite par les moteurs de traction dans un circuit résistant. Une génératrice qui débite dans un circuit résistant produit un effort de retenue sur l'arbre du moteur et il s’en suit une diminution de la rotation du moteur de traction donc de la vitesse du train si l'effort de retenue est plus important que l'inertie du train.

Ce phénomène physique est vrai, quel que soit le type de génératrice, à courant continu, synchrone ou asynchrone.

Le couple de freinage est d'autant plus grand que ce courant est important et l'effort de retenue s'annule lorsque le moteur cesse sa rotation. Le conducteur peut faire varier l'effort de retenue en modifiant l'intensité débitée par les moteurs avec son manipulateur de traction-freinage.
Pour les engins équipés et en cas de freinage d'urgence, l'effort de freinage demandé est égal à l'effort maximal de freinage.

Malheureusement, l'énergie créée par le moteur de traction en freinage rhéostatique est généralement dissipée en pure perte dans l'atmosphère. Selon une étude de 2016, 92% de l'énergie de freinage est perdue sur un TER en 1500 volts ou en Thermique soit 45% de l'énergie produite par les moteurs. 

Certains engins comme l'AGC par exemple peuvent utiliser une partie de l'énergie produite pour faire fonctionner les auxiliaires pendant les coupures d'alimentation. Il y a un rhéostat de freinage situé sur le toit de chaque motrice AGC. Le rhéostat de freinage est constitué de deux résistances de freinage indépendantes. Les caractéristiques d'une résistance sont :

  • Résistance 3,8 ohms.
  • Tension nominale 1800 Volts CC.
  • Température de fonctionnement maximale 600 °C.
Lors d'un freinage continu de 160 km/h à l'arrêt complet, la puissance dissipée est de 455 kW par résistance de freinage. Les résistances sont refroidies par autoconvection et par flux d'air.

Anecdote : L’AGC se met en léger freinage rhéostatique en cas de tension basse ou absence de tension pour permettre l’alimentation du circuit auxiliaire et alimenter le bus HT.
Avant la mise à jour du logiciel et en cas de tension ligne basse, il est arrivé lors du roulage au départ d'une gare par exemple que l'AGC parte en marche arrière alors que le sens de marche était sur "avant" à cause du système d'alimentation cité précédemment. Cela m'est personnellement arrivé et cela surprend !

4] Principe de fonctionnement du freinage par récupération


Comme précédemment les moteurs fonctionnent en génératrice, mais l'énergie produite est débitée vers la caténaire. Cette énergie créée doit être utilisée par au moins une circulation électrique en phase de traction ou bien renvoyée dans le réseau électrique français par le biais d'une sous-station réversible sinon les rhéostats prennent le relais. Les sous-stations en courant alternatif sont réversibles grâce à leurs conceptions, mais les sous-stations en 1500V ne le sont pas naturellement. Des tests sont en cours pour rendre les sous-stations 1500V réversibles en intégrant des dispositifs d'électronique de puissance.

Pour permettre un freinage par récupération, l'engin moteur doit être doté d'équipements capables de rendre l'énergie créée compatible avec la tension ligne fournie par la caténaire. Une étude de 2016 a démontré que 65 GWh a été renvoyé au Réseau de Transport d'Électricité grâce aux lignes électrifiées 25000 volts. À eux seuls, les TGV équipés ont renvoyé 35 GWh au réseau RTE grâce à l'énergie de freinage sur les lignes à grande vitesse en sachant que 50% de l'énergie de freinage totale a été réutilisée par les TGV croiseurs.

Étant donné le surcoût financier de l'installation, ce type de système n'a qu'un intérêt dans des zones où il y a une sollicitation importante du frein électrique comme la banlieue parisienne ou sur des lignes à fortes déclivités (LGV ou montagnes).

À titre d'information, les spécifications techniques imposées par l'Union européenne pour les lignes à grande vitesse dédiées au trafic voyageur autorisent des pentes ou rampes de 35 mm/m si :
  • La pente du profil moyen glissant sur 10 km est inférieure ou égale à 25 mm/m.
  • La longueur maximale en rampe ou pente continue de 35 mm/m ne dépasse pas 6 kilomètres.

5] Conclusion

Les diagnostics énergétiques ressortent que 15 à 50 % de l'énergie consommée par le train termine sous forme de chaleur dans les dispositifs de freinage ou dans le refroidissement des organes et que l'énergie de freinage rhéostatique représente en moyenne 30% de l'énergie totale d'une mission. Afin d'améliorer le rendement énergétique, de nombreux tests et études sont effectués dont le stockage de l'énergie dans des batteries au sol ou dans les engins, des sous-stations réversibles en 1500V comme celle de Masséna (Paris) qui est la seule en France pour le moment, etc.

Le freinage électrique est un dispositif complémentaire de retenue et une circulation ferroviaire peut circuler avec ce système même en cas de défaillance. Il peut en résulter une restriction de vitesse ou une interdiction de circuler sur certaines pentes en cas de défaillance.

Le freinage rhéostatique ou par récupération ne fonctionne pas sur les engins moteurs acheminés en véhicule.

L'effort de retenue du frein électrique n'a lieu que sur les essieux moteurs et pas sur les essieux porteurs.

Le freinage par récupération seul est interdit sur les voies de service.