Les jours de grève se suivent et se ressemblent et je vais tenter d'analyser la situation au 10 avril 2018.
Le gouvernement a misé toute sa stratégie de communication médiatique sur le statut du cheminot SNCF. La raison en est très simple, ça parle aux Français. Dès qu'un français entend le mot cheminot, sans rationalité, le cerveau associe ce mot à privilège et fainéant. D'une réforme technique, incompréhensible pour les non-initiés, c'est-à-dire une bonne partie des Français, le gouvernement focalise l'opinion sur un problème qui n'en est pas un. C'est l'arbre qui cache la forêt...
Le gouvernement a réussi à rentrer dans la tête des Français que la suppression du statut du cheminot SNCF résoudra le fonctionnement de la SNCF et sa dette. Je reste persuadé que le gouvernement sait que ce n'est pas la cause principale de la dette ainsi que les syndicats, mais c'est symbolique pour la Macronie de faire tomber ce statut.
Les initiés du ferroviaire savent qu'une partie des comptes de l'entreprise sont plombés par la structure de l'entreprise ainsi que son organisation en mille-feuille qui a fait exploser le nombre de maîtrises et cadres [ Article ] et a supprimé des postes sur le terrain. Cette gestion de l'entreprise a été mise en place par les mêmes dirigeants qui remettent en cause le ferroviaire français. Les deux autres variables du problème de la dette qui ne dépendent pas de l'entreprise SNCF sont l'infrastructure ferroviaire complexe pour faire circuler les trains [ Article ] et les décisions stratégiques des dirigeants politiques et SNCF dont Élisabeth Borne à fait partie pendant dix ans.
Même si la réforme aboutit et que la dette est reprise par le gouvernement, la compétitivité de l'entreprise sera toujours mise en difficulté puisque les changements structurels et organisationnels n'auront pas eu lieu.
Et c'est là que les syndicats sont pris au piège par la stratégie du gouvernement. En effet, ils ont déjà beaucoup de mal à négocier la fin du statut, le changement de statut de l'entreprise et de l'ouverture à la concurrence. Médiatiquement, il est impossible de communiquer sur les problèmes structurels et organisationnels de l'entreprise puisqu'ils vont ouvrir une autre brèche, donc un angle d'attaque supplémentaire pour le gouvernement.
S'ils le font, c'est du pain bénit pour le gouvernement parce qu'ils supprimeront le statut qui n'est pas le cœur du problème et en plus, ils pourront s'attaquer aux problèmes structurels et organisationnels en taillant dans les effectifs et la masse salariale.
Le soutien des syndicats à M. Macron au deuxième tour de la présidentielle est un autre point qui met en difficulté les syndicats [ Article ]. M. Macron estime avoir toute la légitimité pour appliquer son idéologie européo-germano-libérale même s'il oublie qu'il a été élu par défaut.
Donc pour le moment, les syndicats continuent à accepter que les agents "productifs ou utiles" à l'entreprise continuent à être pressés pour compenser cette mauvaise gestion. Et le gouvernement fait payer au personnel SNCF les décisions politiques absurdes et une idéologie européo-germano-libérale soutenue par la Macronie et la droite française.
Ce n'est pas pour rien s’il y a eu une mobilisation importante des cadres et maîtrises lors des grèves précédentes. Une partie de ce personnel a bien compris que leurs postes pourraient subir une attaque lors d'une prochaine réforme.
Tchao